Historique de la Podiatrie au Québec par Marc Tranchemontagne, podiatre, ex-membre de l’Ordre des podiatres du Québec.

Ce texte sur l’historique de la podiatrie au Québec  n’a aucune valeur officielle et n’a pas fait l’objet d’une approbation ou d’une révision par l’Ordre des podiatres du Québec.

Tout un chemin a été parcouru pour que la podiatrie au Québec soit aujourd’hui reconnue comme une profession officielle. Le point tournant? La Loi sur la podiatrie de 1973.

LA PODIATRIE AU QUÉBEC AVANT LA LÉGISLATION (1945 À 1973)

Il est difficile de déterminer avec exactitude les débuts de la podiatrie au Québec. Nul doute que les besoins en santé des pieds des Québécois ont toujours existé. Il y a peu d’écrits connus sur cette période de la profession au Québec.

Vers les années 1945-1950, l’après-guerre donc, les thérapeutes du pied se sont multipliés dans nos sociétés. Ils étaient presque absents ici au Québec, mais quelques individus formés aux États-Unis ou de provenance européenne sont venus s’installer et travailler au Québec dans ce secteur d’activité. Certains Européens ont même entrepris d’offrir de la formation, qui à l’époque ne devait ressembler en rien à ce que nous connaissons aujourd’hui. Toutefois, quoi qu’on en dise, ce fut là les très modestes débuts de notre grande profession.

Dans les années 60, période précédant la législation reconnaissant la profession de podiatre et l’exercide de la Podiatrie au Québec, il existait des associations de podiatres dans la province. Ces associations au nombre de trois regroupaient l’ensemble des praticiens dont la principale activité professionnelle était le traitement des pieds. Il convient de les nommer : l’Association des podiatres de la province du Québec (APPQ), la Société de podiatrie de la province du Québec (SPPQ) et les Praticiens en podiatrie de la province du Québec (PPPQ). Aujourd’hui, ces associations n’existent plus.

Il aurait été formidable qu’elles laissent des écrits, des procès-verbaux ou d’autres formes de documentation relatant leurs activités, leurs buts et leurs réalisations, mais malheureusement rien de tout cela n’existe de nos jours. Un bref rappel historique pour chacune d’elles paraît donc nécessaire. En effet, ceux et celles qui se souviennent de cette période se rappellent sans doute de la grande vitalité dont étaient animées ces associations.

L’APPQ comptait deux docteurs en médecine podiatrique (Doctors of Podiatric Medicine ou DPM) : Claude Laliberté, DPM et Irving Kaufman, DPM. Ils auraient souhaité à l’époque que le gouvernement légifère en matière de podiatrie. À cet effet, ils présentèrent en 1948 un Bill privé (ancienne appellation d’un projet de loi), lequel fut rejeté par le gouvernement. Il leur faudra attendre jusqu’à 1974 pour voir s’opérer la légalisation de la podiatrie au Québec.

La SPPQ, quant à elle, regroupait environ une centaine de podiatres, non DPM. Fondée vers les années 1945 par le podiatre M. Foch Melançon et son frère, ainsi que M. Alyre Desjardins, Mme Madeleine Brissette et M. Bernard l’Heureux, ces derniers tous podiatres.

Cette association s’est démarquée par sa grande vitalité, particulièrement après 1965. Il faut souligner le dynamisme et le talent motivateur de M. Marc Desforges, podiatre, qui en fut l’un des présidents. En effet, les séminaires, les congrès, la formation générale adaptée, ainsi que les mises à niveau des connaissances en biologie, en chimie, en pharmacologie, en sciences podiatriques, en radiologie se sont succédés à un rythme effréné à cette époque.

Enfin, la PPPQ, une association regroupant environ 150 praticiens, opérait à un tempo qui, disons-le, s’avérait plus modéré. Une légère rivalité maintenait ces associations à une certaine distance l’une de l’autre. Toutefois, avec la légalisation de la profession, elles se retrouvèrent toutes regroupées au sein d’un même Ordre professionnel. Ce rapprochement forcé aura fini par aplanir les différences.

Aucune de ces associations n’a connu une très longue vie, une dizaine d’années tout au plus. Elles ont toutefois été le théâtre d’une première activité podiatrique sans précédent dans l’histoire de la profession. C’est avec elles que la profession de podiatre a vraiment commencé à exister au Québec, vers la fin des années 1960.

La pratique de la Podiatrie au Québec pouvait donc être résumée ainsi : 2 podiatres formés aux États-Unis (donc DPM), 250 podiatres affiliés aux associations professionnelles existantes et possiblement 200 à 300 autres, de toutes allégeances et non répertoriés. Ces derniers étaient originaires d’Europe, là où cette profession était déjà connue depuis longtemps, ou alors des Québécois ayant pris des cours dans l’une ou l’autre des écoles non réglementées ici au Québec. Il y avait à l’époque un certain engouement pour les soins des pieds, comme en témoignait le succès de la célèbre clinique Wolfe à Montréal, où ont œuvré plusieurs podiatres, européens comme québécois.

Dans les années 1960, les choses bougeaient au Québec. D’abord, en 1967, Montréal a été l’hôte de l’Exposition universelle. Mais souvenons-nous aussi qu’au ministère des Affaires sociales, une réforme importante est venue changer la donne dans le milieu de la santé : celle du ministre Claude Castonguay, qui a mené à l’instauration de la Régie d’assurance maladie du Québec et de la fameuse « carte soleil ». Dans la foulée de cette transformation, une structure administrative gouvernementale, l’Office des professions, a vu le jour.

À l’époque, vers 1969, le ministre souhaitait reconnaître quatre nouvelles professions : l’audiologie, la denturologie, la chiropratique et la podiatrie. Cette nouvelle ne manqua pas de se répandre dans la communauté des praticiens qui prodiguaient des soins de pieds, ou la pose d’orthèse plantaire, les poussant à donner des cours, organiser des congrès et effectuer les mises à jour nécessaires dans le contexte de la création d’une nouvelle profession, incluant l’élaboration d’éventuels examens d’admission à la pratique. Les associations déjà en place poursuivaient des objectifs communs : la reconnaissance de la profession et la meilleure formation possible pour tous leurs membres.

APRÈS LA LÉGISLATION DE 1973 SUR LA PODIATRIE AU QUÉBEC

histoire de la podiatrie au québec

En 1973, la Loi sur la podiatrie au Québec était promulguée. La podiatrie venait de naître et le nom de podiatre désignerait désormais le professionnel s’adonnant à cette pratique.

Dès lors, il fallut que l’Office des professions du Québec instaure un mécanisme d’admission à la profession. En effet, l’accès à la podiatrie au Québec  n’était pas automatique, une clause « grand-père » ne s’appliquait pas au Québec. Certes, ceux qui désiraient intégrer le nouvel Ordre professionnel devaient être en mesure de prouver avoir pratiqué avant une certaine date antérieure à la Loi, mais il fallait aussi qu’ils se soumettent à un examen d’admission.

L’Office des professions reconnaissait les trois associations en place comme étant les interlocuteurs valables pour l’ensemble des podiatres. Il choisit donc un expert examinateur par association, dont Claude Laliberté, DPM, Marc Desforges, podiatre, et Jean-Guy Lambert, podiatre, les trois ayant été un jour ou l’autre présidents de leur association respective.

Le processus d’examen s’est alors enclenché et pour plusieurs, il fut particulièrement difficile. Initialement, 350 personnes firent une demande d’admission à l’Ordre. Les candidats ont alors dû faire face à un processus d’examen exigeant et surtout stressant, car pour ces praticiens adultes, cet examen représentait soit la fin, soit la poursuite de leur pratique.

Cet exercice unique n’a évidemment pas fait l’unanimité. Il a toutefois permis d’offrir au public du Québec un noyau de professionnels possédant les compétences minimales nécessaires à la pratique sécuritaire de la discipline. Après le premier examen, à peine 70 professionnels furent nommés podiatres.

On jugea que ce nombre était insuffisant et un programme de recyclage d’une année a donc permis à un groupe additionnel de 70 personnes d’être reconnues comme des professionnels de la podiatrie. Ce programme fut administré par le nouvel Ordre professionnel, sous la supervision de l’Office des professions du Québec. À la fin du programme, en 1974, l’Ordre des podiatres comptait donc dans ses rangs 140 podiatres, détenteurs d’un permis de pratique valide.

Le premier président de l’Ordre, nommé par l’Office des professions, Dr Claude Laliberté, Podiatre, devait s’acquitter d’une tâche d’envergure : la mise en place des règlements de l’Ordre des podiatres. Il serait aussi le premier à devoir veiller à la gestion des affaires courantes de l’Ordre. Le présidence du Dr Laliberté fut de courte durée; à peine quelques mois. C’est donc à son successeur Paul-André Mathieu, podiatre, que revint la tâche d’élaborer les premières structures réglementaires de l’Ordre des podiatres.

Un autre besoin fut rapidement cerné par l’Ordre : il fallait offrir un programme de formation générale qui permettrait aux nouveaux podiatres de parfaire leur niveau de formation. On chercha donc à trouver un programme universitaire étranger, en s’assurant qu’il était adapté aux besoins de ces podiatres du Québec.

À la quête d’un tel programme, l’Ordre des podiatres se tourna vers les collèges américains en podiatrie, afin de vérifier si une telle structure académique existait. Le Collège de médecine podiatrique de New York NYCPM confirma qu’un tel programme de mise à niveau avait été donné dans le passé et pourrait être rétabli pour les podiatres membres de l’Ordre des podiatres du Québec.

Donc, vers la fin des années 1970, sous la gouvernance de l’Ordre des podiatres, le Collège de médecine podiatrique de New York a ramené ce programme et a mis sur pied une structure académique grâce à laquelle le corps professoral complet du NYCPM a transmis ses connaissances podiatriques sur une période d’une année, en 1982.

La certification porta alors le nom de Advance Standing in Podiatric Medecine (ASPM) et, à mon avis, ce programme fut hautement apprécié par les membres de l’Ordre, tant sur le plan de la qualité de l’enseignement que sur celui de la quantité de notions transmises.

Au fil des ans, la réglementation finit par s’achever, établissant par le fait même les devoirs et les obligations des podiatres. Toutefois, quelques règlements demeuraient en attente d’une décision. Parmi ceux-là, le règlement sur « la reconnaissance des diplômes étrangers » fut de loin le plus décisif pour l’avenir de la podiatrie au Québec.

Le règlement établissait et reconnaissait, pour la première fois, qu’un seul diplôme étranger pouvait légalement mener à l’obtention d’un permis de pratique au Québec, ce diplôme étant le Doctorat en médecine podiatrique (DPM). Le gouvernement, par le biais de l’Office des professions du Québec, venait donc de reconnaître que la Podiatrie au Québec, devait nécessairement passer par la formation universitaire.

En tant que président de l’Ordre à l’époque, je donnai donc mon aval à la demande expresse et finale de l’Office des professions. La promulgation de ce règlement sera déterminante pour l’avenir de la profession; la voie sociétale était tracée. C’est au début des années 1990, presque 20 ans après la reconnaissance légale de la profession, qu’il fut enfin promulgué.

Fait à remarquer : cette décision de l’Office des professions et du gouvernement a, entre autres, été prise pour accorder aux podiatres du moment ce qu’ils recherchaient désespérément : un portail d’accueil universitaire (voir plus loin : Historique et cheminement du dossier de la formation des podiatres).

Un autre fait marquant de l’histoire de la podiatrie au Québec : l’aventure internationale. Quoique l’administration stricte de la profession au Québec ne requiert pas de s’intégrer aux organismes nationaux tels que la Canadian Podiatric Medical Association (CPMA) ou aux organismes internationaux tels que la Fédération internationale des podologues (FIP), plusieurs Ordres professionnels maintiennent des liens avec d’autres organisations sœurs de leur profession depuis longtemps.

C’est d’ailleurs grâce à ces liens que le Québec est parvenu à obtenir le privilège d’être l’hôte de ces congrès internationaux. En 1995, l’Ordre des podiatres du Québec s’est joint à la Fédération internationale des podologues (FIP), un organisme regroupant 19 pays. Le but avoué était de recevoir au Canada le Congrès international en podiatrie, sous la supervision de l’Ordre des podiatres du Québec.

On choisit Montréal comme ville hôte, à la suite d’un processus s’étant échelonné sur une dizaine d’années et ayant mené à un consensus parmi les membres et les associations canadiennes. Le Congrès international de la FIP, prévu pour l’an 2000, fut octroyé à l’unanimité à l’Ordre des podiatres du Québec lors de la réunion générale annuelle de 1995 des pays membres de la FIP, à Göteborg, en Suède.

Il fut établi que c’est au Palais des congrès de Montréal que le Congrès international de podiatrie de 2000 se déroulerait. La directrice des marchés internationaux du Palais des congrès a, par la suite, confirmé qu’il représenterait des retombées de trois millions de dollars pour la ville de Montréal. J’eus même le privilège de recevoir la distinction d’Ambassadeur accrédité du Palais des congrès de Montréal pour être parvenu à faire en sorte que Montréal soit l’hôte d’un tel événement.

Cependant, malgré les apparences de réussite, l’Ordre connaissait des moments sombres à cette époque. En effet, au sein du bureau de l’Ordre des podiatres, de grandes tensions s’installaient. Les détails de ces épisodes figurent encore au livre des minutes d’assemblée du bureau de l’Ordre des podiatres.

Quoi qu’il en soit, une élection partielle a eu lieu le 10 juin 1994 suivant le départ du vice-président de l’Ordre des podiatres, M. Gérard Allart, et M. François Allart, Marc Gendron et André Benoit étaient élus à titre d’administrateurs. Ces bouleversements donnèrent naissance à un climat politique mouvementé.

À mon retour, soit le 11 mai 1995, je rendais ma démission en tant que président, expliquant aux électeurs les raisons motivant ma décision.

Premièrement, je dénonçais certains actes ayant été commis en mon absence et que je désapprouvais ouvertement. Les autres raisons étaient liées au fait que, après avoir cumulé quinze années au bureau de l’Ordre, dont les cinq dernières à la présidence, je me voyais très mal cheminer au sein de cette nouvelle administration. Je me suis cependant retiré avec le sentiment du devoir bien fait, car le dossier de l’élaboration d’une formation universitaire était bien amorcé et l’obtention du Congrès international avaient été des réalisations majeures.

Après mon départ, c’est l’ex-vice-président qui est devenu le président. C’est donc sous la présidence de Gérard Allart que l’Ordre me convoqua pour venir expliquer les raisons qui me poussaient à être en faveur du maintien du Congrès international. Je me suis présenté, mais j’étais d’avis que, vu notre retrait plutôt brusque de la FIP, il ne fallait pas s’attendre à autre chose qu’un rejet du Congrès.

À cette réunion, l’une des principales raisons évoquées par ceux qui étaient en défaveur du Congrès fut le risque que constituerait la venue de podologues étrangers potentiellement intéressés à pratiquer illégalement au Québec. Je n’ai pu m’empêcher de trouver ces commentaires injustifié et sans aucun fondement, d’autant plus que pour les soutenir, on citait certains cas d’illégaux locaux qui n’avaient aucun lien avec un tel congrès.

J’ai alors compris que ni la FIP ni le Congrès n’intéressaient ce bureau. Le Congrès international fut donc annulé, de même que l’adhésion du Québec à la FIP.

Ce sont les États-Unis qui héritèrent du Congrès perdu par Montréal, qui eut finalement lieu à Boston en juillet 2004. Il s’est agi d’un rendez-vous international raté, pour Montréal, pour les Canadiens, mais surtout pour les podiatres du Québec. Aujourd’hui, les États-Unis sont membres de la FIP, tout comme les DPM membres du CPMA. Sur la scène internationale de la podiatrie, les non DPM du Québec sont donc malheureusement laissés pour compte.

Dans le chapitre particulier de la formation universitaire, il aura fallu attendre 20 ans après la création de l’Ordre des podiatres en 1974 pour que, grâce aux efforts concertés de plusieurs podiatres, la profession jouisse de son espace universitaire. Je citerai M. Erol Frechette, président du Conseil interprofessionnel du Québec à l’époque : « Il importe que l’Université fasse sienne l’atteinte de l’objectif d’offrir la formation podiatrique au Québec ».

Cette volonté me fut confirmée dans une lettre de la part de l’Université du Québec à Trois-Rivières le 29 juin 1994, alors que j’étais toujours président. L’institution trifluvienne y exprimait qu’enseigner la podiatrie s’inscrivait bien dans sa volonté de développer des disciplines complémentaires à la carte des programmes de santé.

À partir de ce moment, il s’agissait réellement d’un dossier universitaire. L’université devait, en effet, franchir les étapes d’approbation une à une. D’abord l’initiative devait être soumise à la Commission d’évaluation des projets de programmes de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ).

Puis, l’Office des professions a dû émettre son avis quant à la conformité du programme aux lois québécoises relatives aux professions et à la santé. Ensuite, il fallut obtenir la recommandation du Comité des programmes du ministère de l’Éducation au ministre de l’Éducation d’autoriser, dans le cadre des règles budgétaires, le financement des effectifs étudiants du programme de doctorat en podiatrie élaboré par l’UQTR. Et enfin, ce fut l’annonce ministérielle.

 

HISTORIQUE ET CHEMINEMENT DU DOSSIER DE LA FORMATION UNIVERSITAIRE DES PODIATRES, AU QUÉBEC, DE 1974 À 1995.

L’Ordre des podiatres, depuis sa création en 1974, ne cessait d’aspirer à la création d’une formation universitaire. Fort de cette volonté d’ancrer ce type de formation au Québec, une succession de présidents ont travaillé avec acharnement pour que ce mandat d’éducation soit mené à bien.

Peu de temps après la création de l’Ordre, la formation de nouveaux podiatres au Québec s’imposait. En effet, l’Ordre constatait un taux d’attrition assez important chez ses membres, qui commandait qu’on se penche rapidement sur le dossier de la formation : il fallait combler ce déficit de podiatres québécois.

Les premiers en lice pour s’occuper de ce mandat ont été les Collèges d’enseignement général et professionnel (cégep). Clientèle nouvelle, nouveau défi! Quelle qu’en soit la raison, un cégep se démarqua en proposant un programme de formation « clé en main » : le Collège Rosemont, à Montréal.

Il offrait déjà ou développait des programmes en techniques de laboratoire médical, d’inhalothérapie, d’anesthésie, de thanatologie, d’audioprothèse et d’acupuncture. La podiatrie au Québec s’avérait donc un programme prestigieux, tout à fait dans les cordes du Collège. Cela correspondait aussi à la volonté de l’Office des professions du Québec, qui, à l’époque (fin des années 70, début des années 80), voyait d’un bon œil la venue de la formation technique et collégiale.

Paul-André Mathieu, podiatre, alors président de l’Ordre des podiatres, a pu constater que cette avenue proposée par le cégep était source de maints débats chez les praticiens. À ce moment, il ne manquait que l’aval de l’Ordre pour autoriser le départ d’un tel programme. Cependant, beaucoup était d’avis que, dès lors, il fallait avoir une vision plus ambitieuse, un idéal d’un autre type de formation. Peut-être cela paraît-il évident aujourd’hui, maintenant que nous savons ce qui s’est passé et que les devoirs sont terminés.

Mais en plein momentum, à l’aube des années 80, c’était tout un pari pour les podiatres en place d’aspirer à la formation universitaire. Sans ces convictions profondes qui les animaient, il est certain que la podiatrie serait aujourd’hui une discipline de niveau collégial. Contre vents et marées, l’Ordre refusa donc d’appuyer le dossier, croyant fermement que c’était la meilleure chose à faire. C’est à l’arrivée de Jean-Guy Lambert, podiatre, président de 1984 à 1990, que débutera la réflexion des milieux universitaires.

Le choix d’une première université s’est avéré une tâche difficile, d’autant plus qu’aucun programme de ce type n’existait dans le domaine, ni au Québec ni au Canada. Des contacts répétés et des présentations ont fait naître un premier espoir autour de 1985. En effet, l’Université de Montréal acquiesçait à la demande de l’Ordre des podiatres et commandait une longue étude de faisabilité.

Fut alors mis en place un comité d’environ huit responsables émanant de toutes les spécialités médicales, duquel faisaient partie deux podiatres délégués, Jean-Guy Lambert et moi-même. Il y aura de nombreuses rencontres et explications pour parvenir à élaborer toute l’étude de faisabilité. Les faits saillants du dossier furent :

  1. La reconnaissance de l’université de faire du curriculum de formation québécois un modèle égal et entièrement compatible avec le modèle américain;
  2. La visite du collège de médecine podiatrique de Philadelphie (PCPM) par le comité;
  3. L’achèvement des volets académique et organisationnel de l’étude;
  4. La remise du dossier aux autorités de l’université.

Nous semblions nous préparer pour une interminable attente, étant donné les étapes que comporte la présentation de ce type de dossier aux diverses instances gouvernementales. Y avait-il une réflexion universitaire qui rendait le dossier fragile? Sentions-nous que l’université faisait sienne l’atteinte de l’objectif de formation? Tant de questionnements qui laissaient présager que ces deux années d’efforts risquaient de ne pas aboutir à quoi que ce soit. C’est malheureusement exactement ce qui est arrivé.

Cependant, reconnaissant bien qu’il ne fallait pas en rester là, nous avons continué d’agir en attendant le verdict, car l’attente de la réflexion de l’Université de Montréal ne faisait aucunement obstacle à la sollicitation d’autres universités.

La première fut l’Université de Sherbrooke. Plusieurs rencontres avec le directeur des études de premier cycle laissaient, là aussi, présager un intérêt certain de l’université envers le programme de podiatrie. De nouveau la flamme renaissait, mais brièvement cette fois. Il fallait à nouveau se rendre à l’évidence : l’Université de Sherbrooke ne serait pas le portail du programme de formation des podiatres, ses objectifs de curriculum ne correspondant pas à ceux de l’Ordre. La seconde institution qui fut approchée était l’Université McGill à Montréal, par l’entremise du Dr Carol Laurin, MD de l’hôpital Royal Victoria. Cette demande se buta, elle aussi, à un refus.

Pendant ce temps, l’Université de Montréal continuait sa réflexion, qui semblait vouloir s’éterniser. Puis, le 5 mars 1993, on évoqua le nom de l’Université du Québec à Trois-Rivières pour la toute première fois. Le 30 mars 1993, à titre de président de l’Ordre, je m’adressai donc à l’UQTR, particulièrement au vice-recteur à l’enseignement et à la recherche, M. André Thibault. Des rencontres avec les responsables de l’UQTR eurent lieu le 8 juin 1993.

À titre de président, je demandai alors à Erol Fréchette, de Communication Erol Fréchette et ex-président du Conseil interprofessionnel du Québec, de m’appuyer dans cette démarche. Une rencontre initiale a donc eu lieu le 21 juin 1993 à l’Université du Québec à Trois-Rivières, avec Mme Claire V. de la Durantaye, doyenne des études de 1er cycle, et M. Rémi Tremblay, responsable à la recherche et au développement de nouveaux programmes à l’Université du Québec à Trois-Rivières.

À la suite de cette première prise de contact, un agenda de rencontres fut établi, plusieurs travaux furent effectués. Je me suis alors adjoint deux partenaires : Glenn Hébert, podiatre, à l’époque président du comité de formation professionnelle et Robert Donaldson, podiatre. À mon humble avis ce travail d’équipe a permis de peaufiner un programme académique universitaire solide et bien défini. En mars 1995, Glenn Hébert écrira dans un communiqué aux membres que le programme comptait 186 crédits.

L’expérience internationale contribuait, de même, à complémenter certains volets d’études que l’UQTR commandait. Le mandataire Communication Erol Fréchette colligera les résultats de ses propres recherches de même que les informations contenues dans les multiples documents que je suis parvenu à obtenir lors de mes déplacements à l’étranger, plus particulièrement au 15e Congrès de la fédération internationale de podologie (FIP), à Londres.

Sous la supervision de son président international, M. Robert A. van Lith, podologue, les deux collèges de la FIP, l’International College of Teachers of Podiatric Medicine (ICTPM) et le Comité de liaison des podologues de l’Union européenne (CLPUE) collaboreront à nos efforts en partageant plusieurs précieux documents européens avec l’Ordre.

Le 29 juin 1994, le vice-recteur à l’enseignement et à la recherche me transmettait les résultats favorables de l’étude de faisabilité. Il était maintenant possible de continuer et de constituer un dossier de programme, en vue de le soumettre aux instances d’évaluation du système universitaire. C’est exactement ce que l’Ordre attendait : qu’une université fasse sienne l’atteinte de cet objectif d’éducation. Le mandat initial que l’Ordre s’était donné était maintenant accompli.

L’introduction d’un programme de doctorat de 1er cycle de médecine podiatrique s’intégrait à merveille dans l’ensemble des objectifs de l’UQTR. Pour tous ceux et celles qui ont collaboré à la mise en chantier du grand dossier de la formation universitaire, ce sera l’accomplissement d’une première étape fondamentale.

Voilà, à mon sens, un leg non négligeable qui saura être particulièrement utile aux prochains administrateurs de l’Ordre. Cette réussite assurerait une continuité souhaitable et profitable aux podiatres. Par la suite, c’est Gérard Allart qui me succéda au poste de président, par intérim. Nous étions le 15 avril 1995.

Par
Marc Tranchemontagne, podiatre
Ex-président, Ordre des podiatres du Québec, 1990-1995

Collaboration spéciale
Jean Guy Lambert, podiatre, ex-président, Ordre des podiatres du Québec
Paul-André Mathieu, podiatre, ex-président, Ordre des podiatres du Québec